1. Historique des boîtes de presta

1.1. Cabinet de consultants

1.1.1. Le métier de conseil

Au commencement, il était un homme (qu'on appelera Helmut) qui avait une vie professionnelle déjà bien chargée, employé depuis plusieurs dizaines d'années dans une société reconnue, et qui avait accumulé force connaissances et compétences. Se disant qu'il avait suffisamment de bouteille et de gonades, il pourrait bien quitter le statut de salarié pour se mettre à son compte, et faire valoir sa qualité d'ingénieur très expérimenté. Il quitta donc l'entreprise dans laquelle il travaillait et créa la boîte Helmut Consulting.

Son travail ne consista plus seulement à exploiter ses compétences pour résoudre des problèmes complexes (oui oui), mais également à étoffer son portefeuille client, et chercher des projets sur lesquels travailler pour toucher son gagne-pain. Le bon côté de cette situation, c'est le salaire très important que le consultant touche, le mauvais côté, c'est en période de crise, lorsque le consultant ne trouve pas de clients possédant des projets cohérents avec son profil et auprès de qui il pourrait se vendre. Un peu fatigué par son emploi de consultant d'un côté, et la gestion financière de sa petite société, Helmut fit donc le choix de prendre un expert comptable à temps très partiel, afin de s'occuper de ses comptes et de bien penser à redonner à l'état ce qui lui revient de droit.

1.1.2. La structuration en société de conseil

Alors pour esquiver les mauvais côtés de la recherche de mission et pour réduire ses frais de structure, engendrés notamment par l'expert comptable à temps très partiel, Helmut proposa à d'anciens collègues de se joindre à lui, et de profiter de sa structure nouvellement acquise. À ce moment là, une solution simplificatrice de tracasseries administratives fait son apparition : Un expert comptable dédié ! Ainsi, la répartition de l'argent gagné grâce au travail d'Helmut et de ses collègues change légèrement. Au lieu de travailler chacun pour soi, les sommes gagnées sont mises dans un pot commun, et repartagées entre tous les consultants, ainsi que l'expert comptable. Ils deviennent tous salariés de la petite entreprise d'Helmut. Parfois, pour décharger un peu les épaules des consultants fatigués, des commerciaux peuvent être embauchés afin de rechercher les missions à venir. Nous y reviendrons...

1.2. Le CDD

Le CDD, souvent honnis, reste cependant pour certains une option attirante dont ils aimeraient profiter. Un emploi dont on peut changer à la fin du contrat (d'une durée maximum de 18 mois), une boîte nouvelle, un salaire un peu plus important qu'en CDI (+10%), mais la (relative) précarité...

Malheureusement pour les intéressés, le CDD (hors VIE) est aujourd'hui à l'abandon, tout du moins pour les cadres. La raison est sûrement liée pour partie à l'essor magnifique des boîtes de presta ces dernières années. Explications de mon cru : Le CDD coute plus cher à l'employeur sur le court terme mais permet d'encaisser les variations de charge de travail et à long terme, c'est plus profitable pour l'économie de l'entreprise. La flexibilité est donc de l'ordre de la dizaine de mois. Maintenant, si l'on oublie le CDD et que l'on jette un coup d'oeil à la boîte de presta, celle-ci propose un tarif peu intéressant (en général 400 €/jour par jeune diplômé) mais très pratique en terme de flexibilité. En effet, le client d'une boîte de presta signe des contrats pouvant porter sur des missions renouvelables plusieurs fois, et avec des durées ridiculement petites, de l'ordre de quelques semaines. Cela lui assure une marge de manœuvre très importante, en terme d'effectif, qu'il n'hésite pas à employer à tour de bras lorsqu'il ne se sent pas assez audacieux pour embaucher en propre.


1.3. Résumons-nous

Un cabinet de consultants, ou une société de conseil, c'est un peu la même chose. Une grande majorité de consultants, et surtout des consultants expérimentés, qui sont salariés de la société au prorata de leur expérience. Tout le monde participe à l'apport de liquidités dans la société, hormis le salaire de l'expert comptable qui est prélevé dans le pot commun dans lequel tombe l'argent gagné par les consultants. C'est une hiérarchie à un seul étage, et tout le monde est à égalité.

Une boîte de presta, par contre, c'est un important vivier de commerciaux, avec une hiérarchie pyramidale, seule la base apportant de l'argent frais, le reste puisant dans le pot commun. La base, c'est l'ensemble des consultants, de préférence jeunes diplômés car plus naïfs et serviles. Mécaniquement, avec une hiérarchie de boîte de presta, le ratio du nombre « d'improductifs » pour la société sur le nombre de « productifs » est très supérieur à celui d'une société de conseil, et par conséquent, le salaire du consultant jeune diplômé (souvent appelé sous-traitant ou sous-homme par les clients) s'en ressent très fortement.

À partir de maintenant, je ne parlerai que des boîtes de presta, que je remplacerai avantageusement par BP ou Beaux Parasites. Au passage, je précise que le terme de « prestataire » ou de « sous-traitant » est équivalent au terme « consultant » que les commerciaux se plaisent à employer.

Un peu de critique au passage : Je dis « commercial », car ces gens ont pour objectif de trouver un emploi à d'autres gens, avec des conditions de flexibilité qui facilitent bien la tâche par rapport à un vrai chercheur d'emploi. Ils vendent les prestataires comme on gère des kilos, soit le boulot d'un commercial. Ce travail ne me semble pas particulièrement propice à l'acquisition de connaissances, excepté pour la musique avec instrument à vent. Ces « commerciaux » donc, jeunes et innocents ou vieux et hypocrites, se nomment pompeusement eux-mêmes « managers » ou encore plus excessif « ingénieurs d'affaire ». Dans le premier cas, ils ne managent rien du tout étant donné qu'ils envoient les prestataires directement chez le client. Dans le second cas, je vous laisse comparer avec le travail d'un ingénieur d'affaire dans une vraie société, qui n'a rien d'une recherche d'emploi au rabais.

1 commentaire:

  1. Anectode qui éclaire. Dans le milieu des BP les commerciaux appellent leur activité du doux nom de "viande sur pied" ... allusion aux maquignons qui distinguent la viande sur pied (la bête est vivante) par opposition à la viande (la bête est morte). Les américains ont une expression plus neutre mais néanmoins saisissante pour désigner leur activité c'est à dire : "body shopping" ....

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